PEUT-ON PARLER DE CROYANCES DELIRANTES ?
In
J. Chemouni, dir. Clinique de l’intentionnalité, In-Press, Paris,
2001, 157-173
Université de Paris-Sorbonne
1.
La rationalité des
croyances et le paradoxe des croyances délirantes
Il est question, dans la littérature
psychopathologique, de croyances délirantes
(que l’anglais préfère appeler des delusive beliefs). Ces
croyances sont d’abord appelées ainsi parce qu’elles semblent bien bizarres.
Les gens semblent croire des choses du genre suivant (la liste est
évidemment non exhaustive , et elle n’implique pas qu’un individu puisse croire
tout cela à la fois, mais au moins l’un quelconque des éléments de cet
ensemble: les membres de ma famille ont été remplacés par des
imposteurs ; je suis mort ; la personne que je vois dans le miroir
n’est pas moi ; quelqu’un d’autre que moi contrôle mes actes et mes
pensées, ce bras n’est pas le mien ; vous avez en fait trois bras etc.).
Mais ces types d’états mentaux sont-ils bien des croyances ? Ce
que nous appelons une croyance n’est pas simplement un état psychologique doué
de contenu qu’on peut attribuer à un individu ou qu’il s’attribuer lui-même.
C’est aussi un état qui semble obéir à diverses conditions de rationalité et de
cohérence. Le concept usuel de croyance suppose en effet que celui qui
l’attribue a des raisons , ou des justifications (en général conformes
aux données dont il dispose) de croire ce qu’il croit, et que les contenus
qu’on attribue ne sont pas contradictoires. Ce concept suppose aussi que la
rationalité soit aussi un trait de nos croyances que nous cherchons à
atteindre ; autrement dit que si un agent prend conscience du fait que
certaines de ses croyances sont fausses, ou irrationnelles en quelque manière,
il cherchera à les changer et à acquérir des croyances sinon pleinement
rationnelles, du moins plus rationnelles que celles qu’il a. C’est pourquoi
nombre de philosophes (et en particulier Quine (1960), Davidson (1980, 1984) et
Dennett (1987) ont soutenu que si un état n’avait pas ces caractéristiques, ou
si on devait être amené à attribuer à un individu des croyances
systématiquement fausses et contradictoires aux yeux de l’interprète de ces
états, alors cet individu ne pourrait pas réellement être dit avoir des croyances.
En ce sens la rationalité est un trait nécessaire, ou a priori de notre notion de croyance.
Cette thèse semble impliquer que l’on ne peut pas réellement interpréter un
individu qui aurait des croyances de l’espèce “ délirante ” comme
celles qui viennent d’être évoquées, mais aussi que ce que font couramment les
anthropologues, les historiens, et les psychiâtres, quand ils attribuent des
croyances délirantes à des gens, est fondé sur une espèce de confusion
conceptuelle. Mais évidemment cette thèse est trop forte, ou erronée. Dans
notre pratique usuelle d’attribution de croyances, nous n’hésitons pas à
attribuer aux gens des états contradictoires, irrationnels, ou même simplement
bizarres. Si nous ne le faisons pas, les disciplines qui s’intéressent à la pathologie
de la croyance, ou même l’anthropologie, seraient impossibles. Il semble bien
plus raisonnable de dire, au sujet de croyances du type ci-dessus, que ce sont
des croyances , qui semblent avoir toutes les caractéristiques usuelles de ce
type d’état, mais qui sont, en quelque façon, déviantes, anormales, ou
pathologiques. Et la psychiatrie, tout comme l’anthropologie, s’intéresse à
leur genèse et à leur étiologie. Quelqu’un qui nous dirait par exemple:
“ Je crois que p, mais je n’ai pas la moindre justification pour
cela ” ou : “ Je crois que p, mais je crois aussi que non p ”
nous paraît bien moins un sujet susceptible de croyance qu’un autre qui
n’endosse pas ces propositions. On pourrait peut-être dire qu’il a foi
en ces propositions, ou qu’il les croit sur le mode de la foi, mais alors il
faudrait sanctionner ce fait en disant qu’on a affaire à de la foi délirante
plutôt qu’à des croyances délirantes, et à ma connaissance aucun clinicien ne
dit que toutes les croyances délirantes relèvent de la foi en ce sens – au
contraire, l’usage de ce termes semble dire qu’il s’agit de croyances en un
sens proche du sens usuel, mais qui ont quelque chose qui “ cloche ”
d’une manière ou d’une autre. Cette attitude est certainement plus raisonnable
que celle du philosophe, qui s’intéresse aux conditions de possibilité de la
rationalité en général, et semble vouloir dicter au praticien ses propres
critères. Et pourtant, il y a quelque chose de légitime dans la question
philosophique : si les croyances dites délirantes sont des croyances
irrationnelles, jusqu’à quel point le sont-elles ? Si nous les appelons
des croyances et si nous pouvons, d’une manière ou d’une autre, les
interpréter, il semble bien qu’elles se conforment, au moins de manière
minimale, à certaines normes de rationalité. Par exemple les sujets délirants
qui croient que les membres de leur famille ont été remplacés par des
imposteurs, se tiennent bien comme ayant des raisons de croire cela, et
quand on leur dit : “ Mais croyez-vous réellement cela ? ”
ils sont la plupart du temps capables d’invoquer des raisons ( ils le voient,
ou le sentent, ou ont des indices probants, etc., toutes
expressions qui ne montrent pas qu’ils ont renoncé à se justifier des manières
usuelles dont on justifie à autrui ce que l’on croit. Ou encore, il est clair
que le sujet qui croit que ce bras n’est pas le mien, mais le vôtre ;
vous en avez trois en fait, n’est pas irrationnel au sens où il est
parfaitement capable de juger que les gens ont normalement deux bras, et que la
situation, ici, est anormale. Mais il y
a alors un paradoxe : si les sujets délirants exemplifient bien une
certaine forme de rationalité , en quoi les croyances délirantes sont-elles des
croyances irrationnelles ou “ délirantes ” ? Et si nous leur
refusons la rationalité, comment pouvons-nous simplement les comprendre, dans
la mesure où toute démarche herméneutique suppose bien que l’interprète et
celui qui est interprété partagent en commun quelque chose ? Tel est ce que l’on peut considérer comme le
paradoxe de la croyance délirante (mais qui n’est pas propre à elle.[1] Il me semble cependant que la question est
importante, parce qu’elle permet de mettre en valeur diverses conceptions du
délire, et de poser des questions comme les suivantes : dans le délire,
a-t-on bien affaire à des croyances ? si on a affaire à des croyances,
est-ce qu’elles sont rationnelles ou irrationnelles et en quel sens? Ces
questions me semblent en fait se poser quand on examine les conceptions
usuelles de la croyance délirante en psychopathologie.
En, effet, on distingue en général deux
grandes sortes d’approches quant à la genèse du délire (cf. par exemple Proust
1995) :
a)
selon une approche dite
“ ascendante ” (ou continuiste), on suppose que le patient subit une
modification de ses expériences sensorielles ou motrices, et qu’il cherche à en
expliquer la cause ; ses croyances délirantes sont non pas la marque d’une
incapacité à faire des inférences et à raisonner à partir de son expérience,
mais le signe d’une capacité inférentielle intacte s’exerçant sur des données
perceptives modifiées (des représentants de cette approche sont Maher 1974,
1988, 192, ou Hemsley et Garety 1996)
b)
selon une approche dite
“ descendante ” (ou discontinuiste), les expériences sensorielles
inhabituelles ne sont pas la marque distinctive du délire ; sa marque
distinctive est constituée par les inférences déviantes effectuées par les sujets.
Il me paraît intéressant de réfléchir sur le sens du
mot “ croyance ” selon ces hypothèses. Selon l’hypothèse ascendante,
les croyances délirantes ont tous les titres à être appelées croyances, parce
que c’est seulement l’information
sensorielle ou motrice qui sert d’entrée à la croyance qui est
déficiente ; le sujet a, mis à part ce défaut, des modes de formation de
croyance et d’inférence normaux, et sa réaction est en quelque sorte une
réaction de rationalisation par rapport à ces déficiences qu’il observe dans
ses perceptions. Mais dans la mesure même où l’on n’a affaire essentiellement,
dans cette hypothèse, à un dysfonctionnement au niveau de l’expérience
perceptive, il est problématique de parler de croyances délirantes, car
ce qui est anormal, dans la première hypothèse, ce sont les processus d’entrée
d’information qui servent ensuite au sujet à faire des inférences, et non pas
ces inférences elles-mêmes. En d’autres termes, les croyances, selon l’approche
ascendante, seraient des croyances des croyances parfaitement normales à propos
d’expériences qui ne le sont pas. Le délire serait donc en fait une réaction
parfaitement rationnelle à des processus qui sont eux-mêmes déviants, par
rapport aux causes usuelles des croyances (une perception normale). Dans
l’hypothèse discontinuiste au contraire, on peut se demander si l’on a affaire
réellement à des croyances, dans la mesure même où leurs modes de
formation et leurs structures sont irrationnelles. En revanche il est naturel de parler de croyances en un autre
sens, puisque ce n’est pas au niveau de l’expérience perceptive, mais à un
niveau plus intellectuel, celui des inférences et du système central au sens de
Fodor.
De telles ambiguités se retrouvent au niveau du DSM
III, qui, comme on le sait, définit la croyance délirante ainsi:
“Croyance fausse d’un individu fondée sur une inférence incorrecte concernant la réalité extérieure, fermement entretenue en dépit de ce que presque tout le monde croit et en dépit de ce qui constitue des preuves ou des données incontestables et évidentes. La croyance n’est pas habituellement de celles qui sont acceptées par les autres membres de la sous-culture de l’individu”.[2]
Cette définition est très ambiguë, parce qu’elle ne
semble pas vouloir choisir entre la thèse ascendante et la thèse
descendante : le fait qu’elle traite les croyances délirantes comme des
croyances fausses semble aller dans le sens de la première thèse, le fait qu’il
s’agisse d’inférences incorrectes et entretenues contre l’évidence du patient
et de ses proches ou de ses connaissances semble plutôt aller dans le sens de
la seconde hypothèse.
C’est
pourquoi il peut être utile, me semble-t-il, de passer par quelques tentatives
de clarification conceptuelle. Je commencerai par exposer le sens usuel de la
notion, pour envisager ensuite divers cas de croyances délirantes, en
m’appuyant en particulier sur ce que l’on appelle l’ “ illusion de
Capgras ”.
2. La “ définition ” fonctionnelle de la croyance
Essayons
de partir des caractéristiques qu’en philosophie on attribue à la notion
usuelle, pré-théorique de croyance. Il ne s’agit pas simplement de remarquer
que ce concept recouvre ceux d’états qui sont à la fois minimalement rationnels
et non contradictoires, mais qu’il y a en fait tout un ensemble de
caractéristiques dont celles-ci découlent. Il existe une sorte de consensus,
parmi les philosophes de l’esprit contemporains – qu’on pourrait retrouver
rétrospectivement dans l’histoire de la philosophie chez beaucoup d’autres
philosophes, mais je ne l’entreprendrai pas ici - sur une sorte de définition ou de quasi-définition de la croyance
reposant sur les traits suivants, qui sont pratiquement tous des platitudes
(cf. aussi Engel 1994, ch. 2 et 4):
1)
Propriété relationnelle. Croire que p est une certaine relation entre un sujet
et une certaine entité (qu’on appelle “ proposition ”, “ contenu
intentionnel ”, “ représentation ” selon les cas) , et en ce
sens croire est une certaine attitude propositionnelle
2)
Direction
d’ajustement : les croyances
sont un type d’état mental qui vise la vérité, et pour être vraies elles
doivent s’adapter au monde ; elles ont une “ direction d’ajustement ”
(Searle 1983) “ de l’esprit au monde ” ; en général, si une
croyance est découverte fausse, on doit en changer. La direction d’ajustement
des désirs et des intentions est inverse : les désirs et les intentions ne
visent pas la vérité, mais la satisfaction, et pour qu’ils soient satisfaits le
monde doit s’adapter à eux ; ils ont une direction d’ajustement “ du
monde à l’esprit ” ; et en général, si nos désirs ne correspondent
pas à l’ordre du monde nous ne changeons pas nos désirs (contrairement à ce que
dit la maxime cartésienne). Une autre manière de formuler la même idée est de
dire que les croyances sont normalement causées par l’environnement, et que
leur vérité ou leur fausseté doit être évaluée en fonction des données qui nous
permettent de dire en quoi elles s’ajustent à la réalité
Selon le schéma adopté par Searle (1983) (où les
flèches indiquent la direction d’ajustement) :
Croyance
Désir
¯
Monde Monde
3)
Propriété
dispositionnelle : Les croyances sont des dispositions à
l’action et causent habituellement l’action: bien qu’il y ait des croyances qui
ne conduisent jamais en fait à l’action, il est très difficile d’envisager que
quelque chose puisse être une croyance sans qu’on puisse jamais la rattacher à
un comportement quelconque, au moins potentiellement. Cela ne veut pas dire que
les croyances se réduisent à des
dispositions à l’action, comme le voudraient certaines formes de béhaviorisme,
mais que toute croyance a un fond dispositionnel, qui la définit au moins par
rapport à des actions possibles.
4)
Propriété
d’assentiment : croire c’est
tenir pour vrai et au moins potentiellement assentir à une certaine
proposition ; cet assentiment est lui-même dispositionnel ; il n’a
pas besoin d’être actuel ou occurent ; il n’a pas besoin d’être conscient.
5)
Propriété de Moore : il est toujours bizarre, pour un sujet,
d’asserter : “ p mais je ne crois pas que p ”.
Quelqu’un qui asserte que p implique, ou implicite, qu’il
croit que p ; s’il exprime ensuite sa croyance en disant qu’il ne
croit pas la proposition dont il vient d’impliquer qu’il la croit, il est dans
un état, sinon contradictoire, du moins de dissociation caractéristique. En
d’autres termes si j’ai dans mon esprit des croyances, il est bizarre, voire
contradictoire, de dire en même temps que ces croyances ne sont pas dans mon
esprit, ou qu’elle sont dans esprit, mais qu’elles ne sont pas miennes.
A ces propriétés, les philosophes qui discutent
cette notion ajoutent en général les suivantes, qui peuvent être considérée
comme des conséquences des autres (et c’est la raison pour laquelle je ne les
ai pas incluses ici dans la liste des traits fondamentaux) :
6)
Holisme. Les croyances ont une certaine structure
rationnelle, au sens où on peut les inférer d’autres croyances, ou elles
peuvent être inférées d’autres : cela découle du fait qu’elles visent la
vérité : si elles sont vraies ou fausses, elles peuvent être prises comme
prémisses pour des inférences, ou être des conclusions d’inférences. Et les
inférences que l’on peut faire d’une croyance à une autre sont souvent des
inférences passant par les concepts contenus dans les croyances (par
exemple “ si ceci est un chat, alors c’est un animal ”. Ces liens
rationnels et inférentiels entre les croyances sont ce que l’on appelle
souvent, dans la littérature philosophique sur ces sujets leur propriété holistique :
il est de la nature d’une croyance d’être liée, par des liens rationnels et
inférentiels, à d’autres croyances. Le holisme des croyances est lié de manière
essentielle à la raison pour laquelle on ne peut pas réduire les
croyances à des dispositions à l’action : si on le pouvait, on devrait pouvoir
associer systématiquement un type de croyances à ses effets comportementaux,
mais le fait que les croyances soient reliées en réseau les unes autres ne
permet pas de dire systématiquement quelles croyances seront associées à
telles actions, ni quelles actions seront associées à quelles croyances.
7)
les croyances sont des
états involontaires, et non pas volontaires: ce trait découle du trait
2) également : si les croyances pouvaient être volontaires, elles auraient
la même direction d’ajustement que les intentions et les désirs, ce qui est
impossible.
(cf. sur ce point Engel 1998)
Les propriétés de rationalité et de cohérence
découlent en fait de ces propriétés (1)-(7) :
dire que les croyances sont des états holistiques veut
dire qu’on ne peut pas attribuer à un sujet une croyance donnée si l’on ne peut
pas lui attribuer tout un ensemble d’autres croyances qui sont vis à vis
de celle-ci dans des relations inférentielles et rationnelles. Par exemple, il
est difficile d’attribuer à quelqu’un le concept de “ bras humain ”
(et une croyance à ce sujet) si l’on ne peut pas attribuer la croyance qu’en
général les humains ont au maximum deux bras (et non pas trois, quatre, ou
plus), ou la croyance que les membres de ma famille sont des imposteurs,
si le sujet n’a pas de concept d’imposteur, de famille, etc.
Imaginez par exemple le dialogue suivant entre le clinicien et son
patient :
“ A qui est ce bras ? ”
-
Je ne sais pas ce qu’est
un bras.
“ En avez vous deux ou plus ? ”
-
Je ne sais pas, mais en
général les gens en ont dix.
“ Les
bras sont-ils des membres ? ” -
Je n’en sais
rien, mais il y en a beaucoup dans les champs. Etc. etc.
Comment, à supposer que le sujet dise aussi qu’il
croit que ce bras n’est pas le sien, mais le vôtre, pourrions nous lui
attribuer la croyance “ délirante ” que la personne devant lui a
trois bras ? Peut être le sujet confond-il les bras et les doigts de
la main ou du pied, d’après sa seconde réponse. Mais la dernière semble
infirmer cette attribution, tout comme l’infirme son apparente croyance qu’un
individu pourrait en avoir trois, ou que le bras d’un individu peut être aussi
possédé par un autre individu. A ce point, celui qui pose les questions peut
douter que le sujet ait réellement le concept de bras, ou alors, s’il l’a,
qu’il désigne par là le concept usuel. Certes toutes ces attributions sont
possibles, mais celui qui pose les questions a besoin, pour pouvoir simplement
attribuer l’une quelconque de ces croyances (normale ou délirante, rationnelle
ou pas), de disposer de données sur les inférences que fait le sujet, sur le
réseau de concepts qu’il utilise, et c’est précisément la tâche de
l’inteprètation que de placer une croyance au sein de toute une trame
holistique. Comme on n'a pas, dans le cas de croyances délirantes, d’idée a
priori quant à la manière dont une trame de croyances et de concepts pourrait
être distincte de la trame usuelle (celle d’une personne “ sensée ”,
non délirante), il faut bien à la fois que l’inteprète présuppose l’existence
de cette trame pour évaluer la nature de la déviance. Ce sont des
considérations de ce genre qui conduisent des philosophes comme Davidson ou
Dennett à soutenir qu’une présupposition minimale de rationalité doit
intervenir dans toute attribution de croyances. L’une des conséquences de cette présupposition est, comme je l’ai
déjà indiqué, qu’un sujet qui acquiert de nouvelles croyances mais réalise que
celles-ci sont mal confirmées, ou bizarres, aura tendance à rejeter celles-ci
et à chercher à conserver celles qu’il avait. En ce sens on peut parler d’un
principe de conservation des croyances rationnelles. Mais la
rationalité, bien entendu, n’implique pas uniquement la conservation. Si les
nouvelles croyances acquises par quelqu’un se révèlent plus vraies, mieux
confirmées, ou plus rationnelles que celles acquises antérieurement, alors le
sujet aura intérêt, à nouveau rationnellement, à rejeter les anciennes ;
il sera alors critique vis à vis de ses croyances.
La
propriété (7) fait aussi partie des conditions de rationalité usuelle des
croyances : en général, on ne croit pas ce qu’on a simplement envie de
croire, et les croyances formées ainsi sont irrationnelles : le sujet
prend ses désirs pour des réalités, ou est victime d’une sorte d’auto-illusion
volontaire, de ce que les philosophes anglo-saxons appellent la self
deception (cf. Davidson 1991). Des croyances volontaires en général ne
méritent pas d’être conservées. On pourrait en fait dériver l’idée de
rationalité des croyances des autres caractéristiques aussi bien, mais je ne
tenterai pas l’exercice plus avant.
Toutes ces propriétés de la notion usuelle de croyance peuvent être
considérées comme des propriétés nécessaires pour qu’un état mental soit
un état de croyance ; je ne dis pas qu’elles sont suffisantes, ni
individuellement ni collectivement : autrement dit j’admets la possibilité
que des états qui répondraient à d’autres critères puissent encore être des
croyances. Je ne dis pas non plus, a fortiori, que ces propriétés sont
nécessaires et suffisantes, c’est-à-dire qu’elles définissent la notion de croyance. Mais je dis que tout
état auquel manquerait l’une de ces caractéristiques aurait du mal à être
classé parmi les croyances. Il faudrait plutôt l’appeler quasi-croyance.
On
peut résumer les 7 conditions nécessaires qui viennent d’être énoncés en les
incorporant dans ce que l’on appelle couramment une définition fonctionnaliste
des états mentaux. Ce genre de définition dit simplement que tout état qui a le
rôle causal ou fonctionnel typique défini par les caractères (1)-(7) est un
état de croyance. Tout état qui entre dans des relations causales et
fonctionnelles de ce type est un candidat à la fonction de croyance.[3] Résumons-nous : le concept usuel de croyance est
celui d’un état en général rationnel (ou qui doit au moins pouvoir être
rationalisé), fonctionnel, holistique,
involontaire, enregistrant des relations causales entre le sujet et son
environnement , et justifié par l’existence de ces relations, et susceptible de
faire l’objet d’un assentiment conscient de la part de celui qui les a . Quand,
dans notre langage ordinaire, nous parlons de croyances, nous voulons dire
qu’il s’agit plus ou moins d’états de ce genre – ou d’états susceptibles
de jouer un rôle fonctionnel de ce genre . La mention “ plus ou
moins ” est essentielle : le sens commun admet qu’il y a des
exceptions, et que l’on peut, par exemple, parler de croyances quand le sujet
les a obtenues volontairement. Mais alors une explication est requise. Et plus
elle est requise, plus il est difficile de continuer à appliquer le terme de
“ croyance ”. Tout ceci ne vaut pas seulement pour l’interprétation
des croyances, vues de l’extérieur par un interprète, mais aussi pour la
gestion qu’en fait un sujet : toutes choses égales par ailleurs, un agent
rationnel cherchera à avoir des croyances correspondant aux conditions de
rationalité et aux conditions fonctionnelles que je viens d’indiquer. S’il ne
le fait pas, il cessera d’être rationnel en quelque façon. Je parle de
“ philosophie ”, mais en ce sens la philosophie des croyances n’est
qu’une codification du sens commun. Il est essentiel de maintenir une mention
comme “ plus ou moins ” ou “ toutes choses égales par ailleurs ”,
car certaines des propriétés “ rationnelles ” ou
“ fonctionnelles ” auquel je me suis référé peuvent être aussi la marque de
l’irrationalité : par exemple le délire qu’on appelle couramment
“ paranoïaque ” consiste précisément dans l’accentuation de la
propriété des croyances à être holistiques et rationnelles : les sujets en
question font plus d’inférence qu’il n’est requis normalement. Autrement dit,
la rationalité tolère toujours des adapatations, et elle est toujours moins que
parfaite (peut être qu’un individu parfaitement rationnel serait en fait un
délirant).
3. L’illusion de Capgras
Considérons à présent un exemple
assez bien connu de croyance délirante, l’illusion dite des sosies ou de
Capgras. (cf. Capgras 1923, Christodoulou 1977, Ellis et alii 1994, Stone and
Young 1997)
Les patients atteints de ce genre de
délire croient d’une personne de leur entourage (par exemple leur femme ou leur
mari) a été remplacé par un sosie, qui en général leur veut du mal. Ce symptôme
est généralement considéré comme faisant partie d’un ensemble d’autres
syndromes de substitution qu’on met souvent dans même famille: par exemple
croire que son bras est celui d’une autre personne (somatoparaphrénie) ,
croire que l’on est mort (délire de Cotard, (cf.Cotard 1880), croire que des
gens déguisés vous poursuivent ( délire de Frégoli), croire qu’on a ailleurs
des doubles ou des sosies, etc.
En général on observe sur ce type de
délire (Capgras) les circonstances suivantes (en tout ceci je m’appuie beaucoup
sur la discussion de Stone & Young 1997) :
1) les victimes de l’illusion de Capgras ont souvent subi
des lésions cérébrales dans les régions impliquées dans la reconnaissance des
visages (cf. Sergent et Signoret 1992), bien que les patients Capgras soient
capables de reconnaître les visages, et que les patients victimes de
propopagnosie ne soient pas victimes de l’illusion de Capgras ; elle est
liée en tous cas au traitement de l’information visuelle, car des patients
atteints de l’illusion ne traitent pas leurs proches comme des imposteurs quand
ils les entendent au téléphone par exemple, alors qu’ils le font quand ils les
voient (Hirstein & Ramachandran 1997)
2) Le sosie est perçu la plupart du temps comme menaçant
et hostile : les patients ne rapportent pas seulement leur croyance ;
celle-ci peut les conduire à l’action, sous la forme d’agressions verbales ou
physiques. Ainsi certains patients vont à la police dénoncer l’imposteur qui
s’est introduit dans la maison, ou tirent sur leurs proches. Un cas particulièrement
frappant, bien qu’exceptionnel, est celui d’un patient qui accuse son beau-père
d’être un robot, et le décapite pour trouver les batteries et les circuits
électriques qu’il devrait avoir, selon lui, dans la tête. En même temps, les
patients ne s’inquiètent pas de ce qui est arrivé à leurs vrais proches ;
ils ne les recherchent pas, et ne vont pas à la police pour lancer des avis de
recherche. Un patient a même éprouvé de la reconnaissance d’avoir “ deux
femmes ” et s’est révélé très heureux que sa femme ait trouvé une
remplaçante (Alexander et al. 1979)
3) Il n’y a pas de données autorisant à dire que les
capacités de raisonnement
des sujets sont affectées, et ils ont souvent
conscience de l’absurdité de leurs
propres
croyances. Par exemple le dialogue suivant l’illustre :
“ E : Avoir deux familles, n’est-ce pas
inhabituel ?
S :
C’est incroyable !
E :
Comment l’expliquez-vous ?
S : Je
ne sais pas, j’essaie de le comprendre moi-même et c’est
virtuellement impossible ” (Alexander et al. 1979, p.335) ”
Un certain nombre d’auteurs ont proposé d’expliquer
l’illusion de Capgras selon l’hypothèse “ ascendante ” ou
continuiste (Ellis & Young 1990, Stone and Young 1997) : les
patients en question souffrent d’un déficit perceptif – dans lequel le chemin
qui conduit à la reconnaissance des visages est intact, mais où le chemin
corrélatif qui met en œuvre les réponses préparatrices et émotionnelles est
lésé, en sorte que les sujets reconnaissent les visages sans faire l’expérience
de la réponse émotionnelle appropriée, et ils cherchent ensuite à rendre compte
de leur anomalie perceptive en l’interprétant, mais en l’interprétant de
manière incorrecte : bien qu’ils n’aient pas de déficits de raisonnement,
ils ne tiennent pas compte de certaines données, ni des hypothèses rivales. On
peut chercher à représenter ces relations par l’intermédiaire du schéma suivant
( Stone and Young 1997, p. 43) :
REALITE
VISION AUDITION TOUCHER déficit perceptif
INTERPRETATION attribution incorrecte
recherche inadéquate
d’alternatives
CROYANCES
Ainsi Stone et Young 1997 déclarent-ils :
“ Une fois formées, les croyances
vont affecter la manière dont nous interprétons les données disponibles et le
type d’information que nous recherchons : nous devenons prédisposés à voir
ce que nous nous attendons à voir ; ceci crée un sorte de cercle vicieux
qu’il devient de plus en plus difficile de rompre. L’événement précipitant est
un déficit perceptif causant la perte des réactions affectives au monde visuel,
en incluant des stimuli aussi socialement signifiants que les visages des gens.
Cela rend le monde visuel légèrement étrange, non familier, presque
irréel ; le changement est le plus apparent chez les proches, qui auraient
normalement produit les réponses affectives les plus fortes. En raison
d’une humeur suspicieuse coexistante, ou peut-être d’une prédisposition
morbide, la personne arrive à l’idée que la source de ces expériences étranges
doit venir d’un changement dans le monde extérieur, et la possibilité d’une
sorte de subterfuge, peut-être impliquant une substitution, se présente. Des
données viennent rapidement à l’appui, parce plus les proches sont observés plus
ils apparaissent étranges, et ils commencent à agir de manière bizarre face au
comportement lui-même bizarre de la personne qui fait l’expérience de
l’illusion de Capgras” (p.344)
Selon cette analyse, la croyance délirante dans
l’illusion de Capgras repose bien, en premier lieu sur une croyance ,
au sens d’une information causée par une perception du monde extérieur
(c’est-à-dire satisfaisant aux conditions (1) et (2) ci-dessus). Mais cette
croyance est fausse : on a donc affaire à une erreur perceptive.
Cette croyance fausse ne disparaissant pas, le sujet commence à raisonner, de
manière à adapter ses autres croyances à celle-ci. Il reste en cela
parfaitement rationnel, au sens du principe de conservation énoncé ci-dessus.
Il s’agit encore d’une croyance au sens (3), dans la mesure où les sujets
victimes de l’illusion de Capgras ont souvent un comportement agressif vis à
vis des sosies. Enfin, il s’agit encore de croyances aux sens (4) et (5)
ci-dessus, car le sujet donne son assentiment à la croyance, et admet qu’elle
est sienne.
On peut cependant avoir aussi des doutes
sur cette anlayse. Car les sujets comme on l’a vu, ne passent pas toujours à
l’action ; ils admettent quelquefois que leur croyance qu’il ont affaire à
un sosie peut coexister avec leur croyance qu’il s’agit bien de leur proche, et
ils ne tiennent pas compte de toutes les données. En ce sens leurs croyances ne
sont pas si aisément dispositionnelles, et elles peuvent manquer de la
propriété de Moore, puisque, comme dans le dialogue cité plus haut, le sujet
peut admettre à la fois qu’il croit que sa femme est un sosie et qu’il ne le
croit pas. Les sujets n’altèrent pas non plus leur réseau de croyances usuelles
pour rendre cohérentes celles-ci avec leur nouvelle croyance au sujet du sosie,
et en ce sens leurs croyances perdent leur caractère holistique. Cela a conduit
de nombreux auteurs, comme Berrios (1991) à soutenir que les croyances
délirantes des sujets victimes de l'illusion de Capgras ne sont pas vraiment
des croyances, mais “ des actes de langage vides qui se déguisent en
croyances ”.
Stone et Young soutiennent néanmoins
qu’ “ il n’y a pas de raison de nier que les gens qui souffrent de
délires de ce type causés par des lésions cérébrales expriment des croyances
authentiques ” exactement au sens où l’analyse philosophique de la
croyance entend ce terme. Autrement dit ce seraient des croyances au sens
(1)-(7) et au sens des conditions de rationalité des croyances indiquées au
paragraphe 1 ci-dessus.
Cela ne me paraît pas absolument évident.
Car leur modèle, même s’il est de type ascendant et fait des croyances
délirantes de simples conséquences d’erreurs perceptives, ou des croyances
erronées, ne peut complètement adopter cette idée que s’il rend intelligible le
processus de formation des croyances en question. Mais ce n’est pas le cas,
Young et Stone n’expliquent pas pourquoi le sujet se met à interpréter de
manière délirante son désordre perceptif. Ils nous disent seulement qu’il y a
“ une prédisposition morbide ” ou “ une humeur suspicieuse ”.
C’est un peu court. Comme le disait Chapman & Chapman : “ Si les
délires sont des interprétations raisonnables d’expériences anormales, les
sujets ayant une expérience semblable devraient avoir des croyances semblables. ”
( 1988, cité par Proust 1995a). Pourquoi des patients qui ont les mêmes
lésions, les mêmes capacités cognitives, ne développent-ils pas de telles
croyances, et ne disent-ils pas seulement que les choses leurs semblent
étranges, un peu décalées ?
Cependant, le fait que les croyances
délirantes ne possèdent pas tous les traits nécessaires de la croyance au sens usuel n’est pas un
argument suffisant pour disqualifier le type d’interprétation ascendante
d’auteurs comme Young et Stone. Car s’il est naturel, par exemple, de traiter
comme une véritable croyance que son beau-père est un robot la croyance d’un
sujet qui le décapite pour y découvrir les circuits électriques, tous les
sujets n’ont pas besoin, pour avoir des croyances de type de manifester un
comportement d’une aussi grande cohérence d’une aussi grande conséquence. ( On
a remarqué plus haut la même chose au sujet des paranoïaques). Comme je l’ai
dit au sujet du trait dispositionnel des croyances et du trait holistique, une
seule et même croyance peut conduire à un nombre très divers d’actions.
Je serais donc plutôt tenté de souscrire à
la conclusion de Young et Stone, bien que je considère qu’ils affaiblissent
leur thèse en laissant opaque l’explication des croyances du sujet. Ils ne nous
disent pas, en dernière instance, pourquoi un sujet victime de l’illusion de
Capgras a les croyances qu’il a. C’est pourquoi, en dernière instance, il me
semble encore difficile de parler de croyances dans ce cas. Comme l’a dit
Davidson dans de nombreuses textes sur l’irrationalité (Davidson 1991), tant
que nous ne pouvons pas rendre intelligible le comportement ni les états
mentaux d’un agent, il demeurera difficile de lui attribuer des croyances, des
désirs, ou des états intentionnels au sens ordinaire de ces termes.
La conclusion de Young et Stone citée plus
haut ne serait valide que s’ils pouvaient rendre complètement compréhensible le
cheminement mental des sujets. Et tant qu’il reste quelque chose d’opaque,
l’emploi du mot “ croyance ” reste encore sujet à caution.
En fait
explication du délire de Capgras en termes seulement asendants est
insuffisante, tant que l’on ne sait pas si les raisonnements et les inférences,
donc les croyances que les sujets forment à partir du déficit qu’ils éprouvent
sont eux-mêmes rationnels ou pas. Ce qu’il faut expliquer aussi, c’est le fait
qu’ils maintiennent les états de “ croyance ” anormaux qu’ils
atteignent, alors même qu’un sujet normal devrait soit conserver soit réviser
ses croyances face à des telles entrées d’information. En ce sens, quelque chose
ne doit pas aller dans leurs processus de raisonnement : par exemple dans
le fait que certaines données qu’ils éprouvent comme véridiques les conduisent
à “ sauter à la conclusion ” erronée ( ces gens sont des
imposteurs) là où le sujet normal ne le fait pas. Le déficit serait donc
double : il serait à la fois perceptif et “ cognitif ” (si l’on
désigne par là les processus d’inférence supérieurs). Mais alors notre problème
initial se reproduit : car si l’on dit que les raisonnements délirants
sont eux-mêmes déficients, on pourra donner une explication
“ ascendante ” également de ces processus de raisonnement et
d’inférence (en disant par exemple qu’ils impliquent des “ biais ”),
mais considérer que d’autres raisonnements sont normaux. En ce cas, le
sujet reste, comme dans l’hypopthèse ascendante du délire perceptif,
partiellement rationnel, et on peut encore continuer à parler de croyance. On
dirait alors que dans des délires de ce genre, on a bien affaire à des
croyances, au sens de la thèse continuiste ou ascendante. En ce sens sujets ont
bien des croyances causées par des troubles perceptifs, mais ils se livreraient
ensuite à une réinterprétation de leurs propres états mentaux. Ce sont non plus
leurs croyances de premier degré qu’ils élaborent, mais des croyances au sujet
de leurs croyances, c’est-à-dire des croyances de second degré. C’est à ce
stade que peuvent se produire des phénomènes comme ceux que Berrios désigne
comme des croyances “ simulées ”. C’est une autre composante du
délire. La suggestion que je ferai, sans pouvoir la confirmer sur le plan
clinique, est donc la suivante : le délire doit s’envisager selon à la
fois la perspective continuiste et selon la perspective discontinuiste, la
première concernant principalement la formation de croyances du premier degré,
la seconde les processus par lesquels les sujets, à un second degré,
réinterprètent leurs propres états de premier ordre. Mais si le système général
d’inférence des sujets est vicié, alors il devient très difficile de parler de
croyances, car ni le sytème du premier ordre, ni le système du second ordre ne
fonctionnent normalement. C’est une hypothèse plausible. Mais alors
l’anormalité devient tellement galopante que l’on ne voit plus en quoi les
critères usuels de la croyance peuvent encore s’appliquer.
4. Conclusion
Quand
les philosophes forment des définitions canoniques de la notion de croyance
comme (1)-(7) ci-dessus, ils entendent saisir les traits typiques de cette
notion. Et les traits typiques, dans la mesure où ils sont supposés représenter
le concept de croyance du sens commun, présupposent tous que nous puissions
rendre les croyances des individus explicables et rationnelles, au moins en un
sens minimal. Mais par définition, les croyances délirantes semblent échapper à
ce schème définitionnel. Adopter cette définition sans réserves, ce serait
précisément rationaliser indûment des comportements et des formations
psychiques que la psychopathologie veut comprendre dans des conditions
cliniques comme anormales. Inversement, rejeter sans réserves cette définition
conduit à ne plus pouvoir appliquer correctement la notion. Tout ceci est plus
ou moins, me dira-t-on ce qui se passe en général en psychopathologie , et
on pourrait faire des remarques du même genre pour à peu près toutes les
notions mentalistes usuelles : de mémoire, d’imagination, de désir, ou de
volonté par exemple. Ce que ces remarques me paraissent montrer est qu’il est
souhaitable que la psychopathologie définisse clairement ses termes pour
pouvoir sérier ses hypothèses. Le reste est affaire, comme d’habitude, de
pertinence explicative. Mais ce que j’ai voulu suggérer, c’est qu’on aura une
conception d’autant plus adéquate du délire qu’on en aura une de la croyance
normale.
Capgras,
J. & Reboul Lachaux, J. 1924 “ L’illusion des “ sosies ”
dans
un délire
systématisé chronique, Bulletin de la société de clinique et de
médecine mentale, 11, 6-16
Chapman L.J. and Chapman J.P.
(1988) “ The Genesis of Delusions ”, in Delusional Belief, ed.
T.F Olthmans & B. Mahrer, 1988, New York : Wiley
Christodoulou, G.N. 1977
“ The syndrome of Capgras ”, Brit. Journal of
Psychiatry, 130, 556-64
Davidson
, D. 1991 Paradoxes de l’irrationalité, tr.P.Engel, L’Eclat, Combas
Ellis, H. & Young A.W. 1990 “ Accounting for delusional
Misendentifications ”, Hisory of Psychiatry,5,
117-146
Engel,
P. 1994 Introduction à la philosophie de l’esprit, Paris, La Découverte
Grivois, H. eds, Subjectivité
et conscience d’agir, Paris, PUF
Graham, J. & Stephens, L.
1994 “ Mind and Mine ”, in .G. Graham & L.
Stephens, eds, Philoosphical Psychopathology,
MIT Press,91-109
Hemsley,
D. & Garety, P. 1996 “ Les croyances délirantes, une approche
cognitive ” in Proust
& Joseph, op cit 103-128
Maher,
B. 1974 “ Pensée délirante et désordre perceptif ”, trad. fr. in Proust &
Joseph, eds 1996
Searle, J. 1983 Intentionality,
Cambridge, Cambridge University Press, tr.fr.
C.Pichevin , L’intentionalité,
Paris, Minuit
Sergent,
J. & Signoret, J.L. 1992 “ Functional and Anatomical Decomposition
of Face Processing : Evidence from Prosopagnosia
and PET Study of
Normal Subjects ”, Philosophical Transactions of the Royal
society¸london, B 335, 55-62
Stone, T. & Young, A. 1997
“ Delusions and Brain Injury ”, Mind and
Language, 12, 3-4, 327-364
Proust
1995 “ Vers une genèse cognitive
de la centralité ”, in JP. Dupuy et H.
Grivois, eds, Mécanismes
mentaux, mécanismes sociaux, Paris, La
Découverte
1995a “ Argumentation et
rationalité chez le psychotique ”, in Hermès,
16, CNRS editions,
1996 “ Identité personnelle et
pathologie de l’action ”, I.
Joseph et J.
Proust, eds, Raisons pratiques, 7,
Proust,
J. & Joseph, eds. 1996 La folie dans la place, Raisons pratiques, 7
Widlöcher,
D. 1994 “ Remarques sur la croyance délirante ”, Revue
Internationale de psychopathologie, 14.